Politique, réflexion, gouvernance
et enseignement à distance

Gilles Bernard

Juillet 2011

Quelle est la stratégie de la direction de l'université Paris 8 par rapport à l'enseignement à distance et par rapport à l'IED et en quoi ça nous éclaire sur la politique pensée pour notre université par ceux qui nous veulent du bien ?

Le 11 juillet 2011, grâce au rapport diffusé par la vice-présidente du CA, intitulé synthèse étude EAD (nom du fichier) et bilan d'étape et perspectives (page de garde), nous sortons enfin à la fois de la rumeur et du déni ; en effet, bien que chaque terme en ait été pesé soigneusement (six mois de rédaction pour cinq pages de texte plus la page de garde), la vérité sort enfin du puits, à peine vêtue de quelques oripeaux, et donne un sens à toute une histoire.

De quoi ce rapport est-il le bilan ? Ce n'est pas le bilan du groupe de réflexion ; en effet ce groupe n'a pas eu la possibilité de remplir la mission qui lui avait été confiée, et il a été cantonné à l'écoute des expériences d'enseignement à distance et en ligne à l'université ; et à l'intérieur du rapport, le bilan du groupe occupe une place secondaire. C'est bien une synthèse de la direction, dans lequel elle nous informe de ses futures décisions, intitulées pour l'occasion suggestions.

Ce rapport préconise la dispersion de ce qui fait aujourd'hui la force et l'originalité de l'IED dans plusieurs instances : l'ingénierie informatique et TICE dans une cellule technique centralisée (donc à rattacher à la DSI ou au futur Service Propédeutique), la gestion pédagogique donnée aux composantes dans des antennes aux contours et aux moyens indéfinis, la gestion administrative n'étant pas précisée mais, selon toute logique, passant avec la gestion pédagogique à la charge des composantes.

N'étant pas contradictoire, ce rapport ne permet pas de débattre des avantages et des inconvénients de chacun des scénarios possibles. Il ne présente qu'un seul point de vue, en évitant d'employer les mots qui fâchent, pour lui donner l'apparence la plus consensuelle possible.

Ce qui se joue ici, c'est le contrôle par la direction de l'université de la totalité des moyens mis à la disposition de l'enseignement à distance et des ressources générées[1]. Et, selon le rapport, la suite de cette histoire se jouera pendant la préparation du quinquennal prochain.

Actuellement, les choix techniques (logiciels et matériels) sont faits sous le contrôle de la pédagogie, en fonction des besoins des formations à distance et de leur évolution. Les enseignants investis dans ces formations ont leur mot à dire dans l'adoption ou l'aménagement de telle ou telle solution logicielle par exemple. Le projet envisagé rendra ces choix techniques autonomes par rapport à la pédagogie, sous le seul contrôle de la direction de l'université, dont on peut douter qu'elle ait les mêmes intérêts que les enseignants travaillant à distance. L'affaire d'Apogée illustre bien le risque que fait prendre une telle autonomisation, avec la soumission des choix pédagogiques aux contraintes techniques.

Un autre risque majeur de ce projet est la difficulté de coordonner une quinzaine d'instances pour continuer à offrir aux étudiants un guichet unique, pédagogique, administratif et technique. Être baladé par téléphone d'un service à un autre est une expérience décourageante pour qui ne peut pas venir sur place ; et la visibilité de l'enseignement à distance au sein de notre université sera fortement compromise, à moins de recréer une instance de coordination, mais dans ce cas, pourquoi ne pas garder l'IED ?

On ne sait pas ce que pensent les composantes concernées de reprendre la gestion pédagogique et administrative des formations à distance. Elles ne pourraient de toute façon le faire sans moyens supplémentaires ; mais ces moyens, pour l'instant contrôlés par un conseil d'institut, passeraient sous le contrôle de la direction de l'université, à moins d'accorder une autonomie aux composantes, ce qui n'est pas dans l'air du temps.

Il a surtout manqué une analyse des atouts et des difficultés de l'IED, et l'examen de solutions qui pourraient y être apportées. L'IED mène sa propre réflexion sur l'ensemble de ces sujets, dont la direction de l'université n'a jamais daigné prendre connaissance. C'est d'ailleurs probablement l'élément le plus attristant de toute cette agitation. Un des effets délétères de la LRU, c'est de restreindre la confiance que la direction d'une université peut avoir dans la réflexion de ses composantes, comme dans celle des instances élues autres que le CA ; il y en a des exemples dans d'autres universités, mais nous aurions pu croire que dans la nôtre, les choses seraient différentes.

[1]

Un peu plus de deux millions d'euros - sur un peu moins de quatre millions et demi que rapporte l'EAD à l'université - sont gérés par une composante, l'IED, sous contrôle de son conseil et sous contrôle des conseils centraux - moins ce que l'université récupère sur ce budget, un reliquat d'environ 200 000 euros et diverses provisions (chômage, amortissement, etc.).